Press room

"Monaco Hebdo", 18/24 Mars 2004.

Le Valet de Carreau, un volcan éphémere.

La fondation Ekaterina jette un coup de projecteur sur le «Valet de Carreau», association de peintres russes du début du XXéme siècle. Longtemps restés dans l'ombre des avant-gardistes, ces artistes figuratifs héritiers de Cézanne retrouvent la lumière jusqu'au 12 avril à Monaco .

Une moquette rayée de gris et de noir étouffe les pas des curieux sous le charme. Au centre de la salle du quai Antoine Ier, des structures rouges vermillon, en forme de losange, supportent des toiles aux couleurs ires vives. Ces tableaux peu connus sont ceux du Valet de Carreau. Cette association d'artistes moscovites, fondée en 1910, porte le nom de leur premiere exposition. Valet pour la jeunesse, et carreau (rouge) pour la force, dans le langage des diseuses de bonne aventure. Déja un défi, lancé a la société. Le Valet de Carreau porte en lui le paradoxe d'une époque en pleine mutation. Innovant, mais attaché a la tradition, précurseur et pourtant pas encore avant-gardiste, le groupe pris entre la fin du régime tsariste et l'avenement de l'ere soviétique, ne constitue pas une tendance uniforme. Le mouvement n'étant pas assez radical, les artistes s'en éloigneront. Il se dissout rapidement en 1917 (date de la derniere exposition). Les ouvres sont alors éparpillées au quatre coins de la Russie. Et depuis plus rien. Alors la fondation Ekaterina n'est pas peu fiere d'en avoir réunies 80 pour la premiere fois depuis 1927. L'art des valets de carreau retrouve ainsi une place et a bien y regarder, pas des moindres : il suffit d'observer le public voyager de tableau en tableau pour le savoir: les regards s'attardent sur les toiles. Délicieuses. C'est magnifique. On en redemande.

La continuité dans le mouvement

Pour comprendre ce mouvement, il faut retenir deux mots-clefs : figuratif et éphémere. Si les artistes du Valet de Carreau ont innové sur la forme et la couleur, ils ne se sont jamais départis de la tradition figurative. D'ou leurs sujets de prédilection : le nu, les natures mortes, le paysage ou le portrait. La spécificité de l'art du groupe repose sur l'intéret porté a la substance des choses. Le noyau dur (Rojdestvensky, Osmerkine, Kontchalovsky et Machkov) va en ce sens toujours rester fidele a Part figuratif. La continuité dans le mouvement. Sous les pinceaux, la nature se dessine avec spontanéité. C'est en soi ce qui les différencie fondamentalement des avant-gardistes tels que Tatline, Udaltsova ou Malevitch. Ces peintres exposés eux aussi au Valet de Carreau vont prendre une orientation plus abstraite voir suprématiste, délaissant le sujet pour une vision plus conceptuelle de l'art.

L'intéret de l'art Russe réside plus dans ce qu'il a su adapter et créer, que dans ce qu'il a emprunté. Et si le groupe s'est beaucoup inspiré du cubisme français et du futurisme italien, il n'en reste pas moins un phénomene important dans le contexte de l'art européen de l'époque. Un phénomene trop souvent effacé par l'explosion de l'avant-garde russe, révolutionnaire avant la Révolution. Les valets de carreaux ne suivent pas. Pas tous. A l'avenement du nouveau régime, le noyau dur va peu a peu glisser vers la peinture officielle (Kontchalovs-ky) ou subir la chappe de plomb des Soviets. Éphémere (1910-1917), le groupe marque néanmoins son époque. Malevitch ne se trompait pas lorsqu'il écrivit : «Le valet de carreau fut le premier volcan en éruption sur la clairiere du sommeil séculaire de Part plastique». D'abord parce qu'il est la premiere étape vers l'avant-garde russe (de nombreux avant-gardistes ont participé aux expositions du Valet de Carreau, comme Malevitch, Kandinsky'' mais aussi des peintres étrangers illustres comme Matisse, Picasso, Braque ou Derain), et puis parce que malgré leur volonté de continuité, les valets de carreau veulent «renverser les regles conformistes de la société». Provocateurs mais sinceres, les artistes du groupe essaient de propager les idées de l'art moderne. Inspirés par Gauguin, et Cézanne, ils exultent la vie bouillonnante de Moscou: populaire, colorée, brutale, loin de l'académisme «petit-bourgeois» de Saint Petersbourg. Les couleurs explosent pour exprimer en peinture «le bruit des cloches». Il faut presque se boucher les oreilles en regardant ce tableau de Aritarkh Lentoulov représentant la cathédrale Saint Basile (1912). Mais si la couleur est vive et la texture rugueuse, pour le regard du spectateur, le résultat reste doux et de toute beauté, Une particularité que l'historien d'art, le professeur Sara-bianov décrit comme «typiquement moscovite». Le Valet de Carreau se voulait le représentant de la jeunesse vigoureuse, de l'affirmation de soi, d'une culture corporelle incarnée et sensuelle et d'une certaine marginalité un peu louche. Le tableau de la premiere exposition moscovite (une toile de d'Ilia Machkov, Autoportrait et portrait de Piotr Kontchalovsky, 1910) est la pour le prouver; les deux peintres y sont représentés presque nus, en slip violet et vert, comme des athletes : «la métaphore sportive est la pour dire que désormais Part sera "musclé"». Piotr Kontclialovsky va meme jusqu'a écrire au-dessus de son atelier: «Je ne veux voir que des gens sains et robustes dans mon atelier». Et ce sera finalement la seule idéologie de ce groupe, qui, loin des concepts, ne voulait créer que du «Beau».



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